Chu Ko Nu - arbalète à répétition chinoise

Voici quelques étapes de la réalisation de notre arbalète à répétition Chu Ko Nu. Il s’agit d’une petite arbalète à levier d’origine chinoise. Ce type d’arbalète a été perfectionné par Zhuge Liang environ 200 ans avant J.-C., mais elle existait donc auparavant sous une forme plus simple depuis le IVe siècle avant J.-C.

Les photos de notre réalisation se trouvent en deuxième partie de cette page, la première partie donne un maximum d’informations concernant les Chu Ko Nu.

Les photos de notre Chu Ko Nu terminée ici

Explication générale

La « Chu Ko Nu »  諸葛弩, aussi écrit « Zhūgěnǔ » ou « Zhu Ge Nu » (ce qui signifie « Arbalète de Zhuge ») est une arbalète très particulière puisqu’elle peut lancer plusieurs dizaines de carreaux à la minute grâce à un système d’armement et de déclenchement automatique activé par une manivelle faisant également office de pied-de-biche.

Rapidité, pied-de-biche et tout cela au 3e siècle avant J.-C. … cette arbalète chinoise est donc particulièrement ingénieuse pour son époque ! Elle ne sera d’ailleurs abandonnée qu’au XVI-XVIIe siècle, laissant place aux armes à feu.  Ralph Payne-Gallwey, au début du XXe siècle, dit même que cette arbalète était encore utilisée quelques décennies avant la parution de son livre « the book of the crossbow ».chinese repeting crossbow

L’arme la plus rapide !

Cette arbalète possède un chargeur (aussi appelé « magasin ») d’une dizaine de carreaux. Il pourra être entièrement vidé en une quinzaine de secondes.  Nous pouvons donc imaginer le tir de 20-25 carreaux par minutes en tenant compte du temps de recharge, ce qui est supérieur à l’arc et aux autres arbalètes.

Cette arbalète fait le choix de la rapidité au détriment de la précision : Carreaux sans empennage (ou très petit) et emplacement du chargeur empêchant de viser précisément.  Mais imaginez des centaines de soldats armés de Chu Ko Nu tirant une véritable des « pluies de carreaux » sur l’armée ennemie ! L’arbalétrier « Chu Ko Nu » tire donc dans une zone ennemie, il ne vise pas une personne précisément.

chinese repeting crossbow

https://fr.wikipedia.org/wiki/Chu_ko_nu

À noter que les Chinois avaient aussi un autre type d’arbalète avec gâchette en bronze. Ce type d’arbalète correspond davantage à un arc avec déclencheur et devait donc être plus précis que la Chu Ko Nu. Cette autre arbalète était donc complémentaire et destinée à un usage de plus grande précision et portée.

Des carreaux empoisonnés

Il est probable que les carreaux ne possédaient pas d’empennage (ou de très petits) afin de ne pas se coincer dans le chargeur. Ils devaient donc assez mal voler, puisque seule la pointe stabilise la trajectoire. Toutefois, avec nos propres tests, à une portée d’environ 30m, il est possible de toucher une cible d’environ 1.5 m de diamètre ,et ceci avec très peu d’entrainement. En réalité, pour les arbalètes de faible puissance, l’empennage freine le carreau sans qu’il soit véritablement utile de le stabiliser.

Un texte chinois du XVIIIe siècle parle de tirer des carreaux empoisonnés, trempés dans du poison « tueur de tigre » (peut-être de l’aconit), afin de remédier à sa faible puissance et certainement sa mauvaise précision. Si la pointe du carreau entre en contact avec le sang de la cible (cheval ou homme), elle décéderait instantanément (!?)… un volontaire pour vérifier ces propos ?

https://en.wikipedia.org/wiki/Repeating_crossbow

https://collections.royalarmouries.org/object/rac-object-1783.html

Une faible puissance ?

Le texte chinois du XVIIIe siècle parle donc d’une arbalète de portée très réduite et de faible puissance au point où un érudit ou une femme du palais pouvait l’utiliser.

La puissance de notre Chu Ko Nu reconstituée fait environ 70 livres. Toutefois, il aurait été possible d’augmenter légèrement la puissance tout en restant actionnable par un soldat aguerri. En effet, le levier aide fortement l’armement de l’arbalète (réduis la force nécessaire par 2 environ selon la longueur du levier). Il est donc probable que ces arbalètes avoisinaient les 80 à 100 livres afin de rester utilisable à cadence rapide.

Cette puissance est difficilement comparable à celle d’un arc puisque l’allonge de l’arbalète est très réduite (la nôtre fait environ 7.5’’ d’allonge, contre environ 30’’ pour les arcs). Par contre, l’arc en bambou est léger et est donc plus performant qu’un arc en acier de puissance identique. Si l’on compare avec une arbalète médiévale comme celle de Charavine (XIe siècle) qui possède un arc en bois et une allonge similaire : la Chu Ko Nu était clairement plus puissante (levier aidant l’armement) et pour une cadence  bien supérieure… et tout cela plus d’un millénaire avant la Charavine !

Selon l’arbalète que nous avons réalisée, et en partant sur une puissance légèrement supérieure, nous estimons qu’en tir direct la portée serait d’environ 40m. En tir parabolique, cette distance devait être doublée ou triplée. Mais n’oublions pas qu’elle pouvait être utilisée en haut des murailles, augmentant encore la portée. De plus, un arc composite (comme sur certains dessins) devait clairement augmenter la portée de ces armes.

Cette distance reste malgré tout assez réduite lors d’un affrontement entre deux armées face à face, mais l’arbalète devait prendre tout son intérêt lors de la défense d’une forteresse (ou en combat naval) en envoyant une pluie de carreaux sur l’adversaire s’approchant d’une porte par exemple.

Mais attention, vu le système de dépôt automatique du carreau par gravité, il ne sera pas possible de tirer avec cette arbalète vers le bas, le carreau glisserait par le trou avant. Un tir trop vertical pourrait aussi bloquer l’arme si le carreau glisse vers l’arrière. Certains fabricants placent un aimant au bout de la rigole de l’arbalète afin de maintenir le fer du carreau… pas forcément très historique !

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Chu Ko Nu selon Payne-Gallwey

Évolution et variation de formes

-Lian Fa Nu-

Un seul exemplaire d’arbalète à répétition antérieure à Zhuge Liang a été retrouvé : la « Lian Fa Nu » a une forme de pistolet et un mécanisme de détente automatique en bronze qui semble même plus perfectionnée que la Zhuge Nu ! Par contre, il n’y a pas de levier pour armer l’arbalète, il faut alors tirer manuellement sur le chariot contenant le mécanisme de détente à la manière d’une petite fronde. L’arc de l’arbalète devait donc être moins puissant et la portée forcément plus réduite.

La cadence de tir était peut-être encore supérieure à la Zhuge Nu, car l’arbalète retrouvée lançait 2 carreaux en même temps, placés en parallèle. L’arbalète possède en effet un double magasin, ce qui complique encore le système de tir.

Le mécanisme de détente plus complexe devait la rendre plus difficile à produire en grand nombre (plus de risque de s’enrayer également) et sa plus faible puissance ne devait pas la rendre trop efficace à la guerre. Elle reste toutefois une arme extrêmement ingénieuse !

– Zhuge Nu-

Zhuge Liang crée une arbalète très différente dans son fonctionnement, même si le principe du magasin supérieur est conservé. Le système de déclenchement est simplifié, l’arme devient constructible en grand nombre, avec des matériaux plus courants (pas de bronze pour la gâchette…).

L’autre amélioration est l’utilisation d’un levier qui double la force de l’utilisateur et donc aussi la puissance de l’arc et la portée de l’arme. Elle devient plus efficace à la guerre !

Les mouvements de va-et-vient doivent réduire toutefois la précision de la Zhuge Nu, mais la longue « queue » prenant appui sur la cuisse permet de stabiliser l’arbalète durant son fonctionnement.

-Autres formes-

En 180 après J.-C., des textes chinois parlent également d’arbalètes à répétition utilisant un mouvement de roue permettant de tirer dans diverses directions. S’agit-il d’arbalètes montées sur des chars ou bien d’arbalètes à répétition de gros format, actionné au moyen de treuils ou cabestan à roue ?

Certaines armes pouvaient aussi lancer des billes (enflammées ?) plutôt que des carreaux, comme ce sera le cas en Europe également.

Certaines arbalètes avaient un double magasin permettant de tirer 2 carreaux à la fois, multipliant donc la cadence de tir par 2. Ci-dessous, une Chu Ko Nu à double magasin datant du XIXe siècle semble-t-il.

L’arc multiple ou composite ?

De nombreux documents nous montrent une série de plusieurs arcs en bambou. Nous sommes parties sur ce principe pour notre arbalète, bien qu’il s’agisse d’une solution assez étonnante, mais que nous voulions tester. En effet, la friction entre les arcs réduit les performances. Ainsi, un arc unique en bois, plus épais ou large, serait plus efficace qu’une solution d’arcs multiples. Toutefois, la simplicité et la rapidité de réalisation d’un arc en bambou pourraient justifier largement cette solution dans le cas d’une fabrication de masse où la rapidité est primordiale.

À noter qu’en tant que facteur d’arcs, les arcs placés sur les chu ko nu anciennes (photo ci-dessus par exemple) nous semblent de très mauvaise facture, comme s’il ne pouvait s’agir de l’arc d’origine.

-Sunogi-

Certains documents montrent des Chu Ko Nu coréennes ayant un arc à double courbure (appelées « Sunogi »). Il s’agit alors vraisemblablement d’un arc composite de type « coréen » (« Gakgung« ) monté sur l’arbrier. L’arc composite sera bien supérieur aux multiples lames de bambou ou encore à l’arc unique en bois. En effet, ces arcs sont parmi les plus performants et peuvent tirer des flèches à plusieurs centaines de mètres. (Les arcs turcs, de composition similaire aux arcs coréens, pouvaient tirer à plus de 400m à titre d’exemple). Le temps de fabrication d’un arc composite est toutefois bien plus long et s’exprime en années (temps de séchage des matériaux). Il ne s’agit donc plus d’une arme réalisée en masse.

En réalité, la Sunogi devait avoir un usage bien différent de la Chu Ko Nu : elle semble de bien meilleure facture que la version chinoise et l’allonge plus importante de l’arc coréen implique d’augmenter la taille de l’arbalète. Il faut alors très certainement un appui supplémentaire à l’avant de l’arbalète afin d’actionner correctement le levier. Selon notre avis, la Sunogi est à mi-chemin entre l’arbalète et l’arme de siège (tout comme la Gastrophète grecque).

https://greatmingmilitary.blogspot.com/2015/09/unique-weapon-of-ming-dynasty-zhu-ge-nu.html

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Un mécanisme ingénieur

Si le mécanisme des premières arbalètes d’Europe médiéval est assez simple, la Chu Ko Nu fait preuve d’une grande ingéniosité à une époque bien antérieure. Ce mécanisme plus complexe avait toutefois un défaut : elle pouvait plus facilement se bloquer et l’utilisateur devait comprendre le fonctionnement pour débloquer la Chu Ko Nu.

Mais comment peut-on placer un carreau, armer l’arbalète, déclencher le tir … et tout cela en 1 seconde ou presque ! Il suffit avec une main de faire un mouvement arrière-avant avec le levier pour que tout le reste soit fait automatiquement.

– Le mécanisme est celui d’une arbalète à verrou (similaire à l’arbalète de Lillohus par exemple). En début de course, levier vers l’avant, la corde se place dans son logement en retrait de la rigole guidant le carreau. La corde est donc verrouillée et la petite cheville de déclenchement s’abaisse dans le fond du verrou.

– La corde étant hors de la rigole, un carreau descend du magasin par gravité.

– En actionnant la manivelle vers l’arrière, la corde prise dans le verrou permet d’armer l’arc en faisant bouger le verrou, la rigole et le magasin.

– En fin de course, la petite cheville de déclenchement remonte en contact avec l’arbrier et libère la corde de son logement (verrou) qui entraine le carreau.

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Fonctionnement selon Payne-Gallwey

Comment tenir l’arbalète Shu Ko Nu ?

Avant d’avoir réalisé notre arbalète, il était difficile de s’imaginer comment la tenir en action, car beaucoup d’éléments sont en mouvement.

À l’usage, avec notre arbalète de 70cm de long, le plus simple est de placer la « queue » de l’arbalète bien maintenue entre le ventre et la cuisse droite. Cela permet de bien stabiliser l’engin lors du tir.

Le bras droit tient l’arbalète par-dessous entre les leviers et l’arc (une poignée comme sur certains modèles aurait facilité la prise en main). Ce bras doit bouger le moins possible pour augmenter la précision, mais permet aussi de corriger la trajectoire.

Le bras gauche va alors « pomper » sur la manivelle afin de tirer en répétition.

Il est toutefois probable qu’avec une arbalète plus puissante, il soit utile d’inverser le sens d’utilisation afin d’actionner le levier du bras le plus fort.

chukonuLe dessin d’arbalétriers coréens montre un maniement assez similaire. Les chu ko nu semblent ici plus grands par rapport à l’utilisateur. Un appui à l’avant de l’engin serait alors certainement nécessaire pour tenir l’engin, mais il est difficile d’imaginer comment l’arbalétrier pouvait alors faire ces mouvements de va-et-vient avec le levier dans le cas d’une arbalète de cette taille.

Réalisation de notre arbalète à répétition

Réalisation des pièces en bois

repeating crossbowNous prenons quelques branches de cerisier coupées récemment dans le jardin. Il s’agit d’un bois assez joli, mais nous aurions peut-être dû réfléchir à la solidité avant l’esthétique, car le cerisier est un peu léger. Nous verrons que cela aura un effet ultérieurement.

Le rondin central fait environ 80cm de long et servira à l’arbrier. Les autres seront utiles pour le magasin et les bras du levier.

repeating crossbowLes rondins sont travaillés au rabot et à la plane afin de leur donner leurs dimensions générales.

Le bois est effectivement très joli avec ces variations de couleur rouge/jaune … rare pour le cerisier (en réalité, le bois jaune sera de moins bonne qualité/résistance !)

L’arbrier en bas, le magasin et le chariot en haut à gauche… les deux autres pièces ne seront pas finalement pas utilisées.

repeating crossbowLa forme générale est donnée à l’arbrier : plus fin à l’arrière, un trou pour l’arc, et une rainure en partie supérieure (pas visible sur la photo) afin de guider le magasin et le système de rigole/déclenchement. Il fait environ 70cm de long et 6 cm de côté au plus large.

repeating crossbowVoici les pièces les plus importantes :

– Une petite cheville en corne servant à remonter la corde pour déclencher le tir.

– Une pièce en bois avec une rigole (pour diriger le carreau et le maintenir en place lors de l’armement) et une entaille servant de verrou pour la corde. Un trou y est percé afin de placer la cheville de déclenchement du tir. Nous appellerons cette pièce le « chariot » par facilité par la suite.

Il fait environ 35cm de long.

Nous imaginons que la partie arrière de la pièce est fortement percée et sollicitée lors de l’armement. Le bois est donc renforcé avec de la corne à cet endroit afin de ne pas éclater à force de l’utiliser. Le choix d’un bois dur permettrait peut-être d’éviter ce renfort.

repeating crossbowDétail du système de verrou de l’arbalète. Une grande partie du système de la chu ko no est basée sur ce petit détail. Le trou est plus large au-dessus qu’au-dessous. Il semblerait toutefois que certaines arbalètes ont la cheville fixée sur l’arbrier afin d’éviter que cette petite pièce parte de côté.

La cheville de déclenchement est faite en corne afin d’être plus résistante.

La partie supérieure est plus large au-dessus afin de se coincer dans la partie en bois sans que la cheville puisse sortir par-dessous. Elle doit néanmoins pouvoir s’enfoncer entièrement dans le bois sans gêner le maintien de la corde dans l’entaille servant de verrou.

repeating crossbowLe magasin (ou chargeur) fait en un seul morceau. Le réaliser avec deux panneaux et des écarteurs au centre aurait été plus simple… mais moins joli !

Nous avons perdu les photos de sa réalisation. Il s’agit toutefois de le percer des trous de part en part et d’évider entre eux afin de faire un trou sur toute la hauteur (réservoir pour les carreaux).

En partie basse, il doit avoir une rigole pour laisser partir les carreaux, et une entaille laissant passer la corde.

Les deux extrémités (avant et arrière) sont rallongées afin de le maintenir à la pièce inférieure par ligature.

Il faut bien sûr que le magasin et le chariot s’ajustent assez correctement.

Réalisation de l’arc

Plusieurs morceaux de bambou épais sont dégrossis à la plane et la ponceuse. Ils font 55cm de long.

La forme générale est celle d’un losange (plus large à l’endroit de l’arbrier). Cette forme dite « pyramidale » permet de s’approcher d’un tillering correct sans devoir affiner le bambou dans son épaisseur.

Nous laissons plus de largeur aux extrémités afin de laisser la possibilité de réaliser les poupées ultérieurement. Pour l’instant, un enroulage de fil permet de faire l’équilibrage des branches.

Chaque « mini-arc » est passé à la barre de Tillering afin de parfaire son équilibrage des branches. Dans ce cas, il plie encore un peu trop au centre. Mais le résultat sera plus satisfaisant après un léger ponçage des branches.

repeating crossbowUn premier test est réalisé avec l’arbrier en plaçant temporairement quelques cales et des cordes de maintien. Un enroulage de corde est aussi réalisé aux extrémités pour voir le comportement des trois arcs durant la flexion.

Le centre des arcs est épaissi d’une quatrième lame plus fine afin d’éviter une flexion trop importante au centre, qui pourrait faire bouger les arcs par rapport à l’arbrier. Il est difficile de caler correctement les lames de bambou étant donné leur forme légèrement arrondie et la surépaisseur naturelle à chaque cloisonnement dans le bambou.

Il s’avère qu’avec la flexion, les lames glissent l’une par rapport à l’autre, l’enroulement des 3 lames à leur extrémité ne résiste pas, il faut absolument laisser un jeu de glissement possible entre chaque lame tout en les obligeant à plier de concert !

Mise au point du mécanisme et du levier

Nous réalisons des modèles à échelle réelle des pièces importantes de l’arbalète (chariot + extrémité de l’arbrier + base des leviers).

– Il faut alors bien repérer la position de la corde lorsque l’arc sera bandé afin de voir où l’entaille du verrou doit se positionner lorsque le levier sera vers l’avant. Il faut laisser un peu de marge pour s’assurer que la corde se loge bien à chaque fois dans le verrou.

Lors de nos premiers tests, la friction de la corde sur le bois empêchait de la tendre parfaitement, une fois sur deux, il fallait glisser le doigt pour pousser légèrement la corde dans son verrou (cela se jouait à 1 ou 2 mm près). Heureusement, cela a pu être évité par la suite en retendant légèrement la corde,

Une fois les modèles réalisés, nous déterminons alors où l’on doit placer les points de pivot sur l’arbrier, sur les leviers et sur le chariot.

Attention, les leviers ne doivent pas empêcher la corde de se loger dans le verrou. Pour éviter cela, nous sommes parties sur les leviers qui s’ouvrent.

Montage de l’arbalète

repeating crossbowLes deux leviers sont réalisés dans du cerisier identique au reste de l’arbalète. Une poignée est prévue entre les deux leviers.

Encore une fois, nous plaçons des renforts en corne à l’endroit où les pièces en bois sont les plus sollicitées et où elles vont tourner l’une contre l’autre. La corne étant plus résistante que le bois, cela devrait limiter l’usure autant que possible.

Les pièces à assembler sont poncées et cirées correctement avant assemblage.

Le montage commence ! Les leviers sont fixés au reste et coincent la poignée.

Des petits morceaux de corne percés sont placés pour maintenir un écart constant entre les leviers et le bois contenant le système de verrou. Sans cela, cette dernière pièce pourrait glisser à droite ou à gauche. Difficile à dire si les arbalètes anciennes utilisaient un système similaire ou pas !

Ces petits écarteurs en corne permettent aussi de compenser la largeur de la rigole de guidage du magasin réalisée dans l’arbrier.

Ils évitent aussi que la corde ne soit bloquée par les leviers. Dans notre cas, la corde touche tout de même légèrement les leviers, mais cela ne s’avère pas gênant pour armer l’arbalète.

Une question reste posée toutefois : comment les anciens assemblaient-ils ces dernières pièces ? Nous sommes parties sur une solution de tige métallique recourbée aux extrémités. Cela semble toutefois une solution plutôt moderne, pas certain qu’une tige de fer était chose courante en Chine 200 ans avant J.-C. !

Dans notre cas, ces deux tiges font l’affaire, même si ce n’est pas forcément du plus bel aspect !

La poignée est légèrement incrustée dans les leviers de part et d’autre. Des petits clous viennent parfaire le tout. En réalité, la poignée est essentielle pour éviter que les leviers se resserrent sur le magasin lors de l’assemblage.

La largeur de la poignée est supérieure à celle de la main afin de pouvoir faire des mouvements de va-et-vient rapide. Certains dessins montrent aussi une sorte d’arceau métallique placé au bout des deux leviers ou carrément un levier entièrement métallique se terminant en étrier de forme circulaire.

Au bout de l’arbrier, un assemblage à tenon-mortaise vient fixer le bout de l’arbalète (servant à reposer sur le haut de la cuisse).

Il ne reste plus qu’à assembler le magasin. Nous réalisons cela assez simplement en liant les deux extrémités avec du fil de lin.

Nous collons un morceau de corne aux extrémités d’un arc afin de réaliser une entaille dans la corne et non dans le bambou (ce qui l’aurait fragilisé). Cet arc sera placé à l’arrière de l’arbalète. Les autres arcs sont taillés de manière plus pointue, ils plieront en suivant le premier.

Des cales permettront de coincer les arcs dans le trou prévu dans l’arbrier.

Les arcs sont calés dans l’arbrier. Le trou prévu à l’origine a finalement été trop grand. Les arcs finis étaient mieux ajustés qu’auparavant et n’ont pas nécessité autant de place.

Les arcs sont maintenus serrés au moyen d’un fil de chanvre afin qu’ils plient ensemble, mais qu’ils puissent toutefois glisser l’un contre l’autre.

L’arc principal avec la corne n’a pas été raccourci, tandis que les autres sont affinés afin de ne pas dépasser lorsqu’ils sont armés.

Cette solution semble fonctionnelle. Il est toutefois difficile à dire s’il y a une grande parte de rapidité ou pas, par rapport à un arc unique. La masse de bois est supérieure en tout cas (pour une puissance identique).

La corde est réalisée en Dacron par sécurité (avec tranche-fil en lin). Le tranche-fil central est épaissi afin de bien emporter le carreau. À l’usage, cela fonctionne correctement.

Une deuxième entaille est présente dans la poupée de l’arc afin de le tendre avec une fausse corde avant placer la vraie. En effet, cet arc semble petit, mais il fait environ 70-75 livres, et il n’est pas facile de le bander manuellement. La fausse-corde aidée par le système de levier de l’arbalète est très utile.

La corde sur la photo est peu tendue (une fois tendue, elle ne touche plus l’arrière du magasin, sinon, cela endommagerait le bois à chaque tir).

Lors des premiers tests, il a fallu faire quelques adaptations :

Une petite cale de bois a été ajoutée à l’arrière. Notre arbrier n’est pas totalement droit et il faisait bouger l’avant du magasin lors du tir.

Il a fallu creuser l’arbrier également, car la petite cheville était relevée en position « levier à l’avant », ce qui ne permettait pas de placer la corde dans son verrou !

Une solution avec cheville fixée dans l’arbrier à l’endroit du tir aurait évité cela.

Lors du stockage de l’arbalète, elle est toutefois tombée de 2m sur le sol, ce qui a cassé l’arrière de l’arbrier. Nous avons donc dû le réparer en y incrustant un morceau de corne artificiel retravaillé à la manière d’un dragon… Cela nous a beaucoup attristés, mais refaire tout l’arbrier était beaucoup de boulot !

Photos de la Chu Ko Nu terminée

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Texte, réalisation & photos : Fabien Houssin

CC BY-NC-SA 4.0

De nombreuses informations concernant les Chu Ko Nu : Rapidité, performances, variations de formes, fonctionnement et surtout, comme la réaliser vous-même !