Tentons d’expliquer les outils supplémentaires, mais aussi la méthode de travail, les différentes étapes du tillering et quelques astuces permettant de vérifier que la courbure est correcte.

 

LES OUTILS

matériel de tillering, une corde, 2 barres de tillering et l'arc

Les outils de travail du bois seront identiques à ce qui a déjà été utilisé auparavant. Il existe toutefois 4 éléments supplémentaires à avoir pour réaliser le tillering :

1 – LE SUPPORT DE TILLERING

Pour réaliser le tillering, il faut un système permettant de regarder l’arc à distance afin d’analyser sa courbure. Pour cela, il existe deux méthodes : la barre de tillering (qui a l’avantage d’être facilement transportable et laisse les deux mains libres pour s’approcher ou regarder l’arc sous d’autres angles) et le support à poulie qui demande plus de place, mais possède d’autres avantages.

-La barre de tillering-

La version la plus simple se limite à une planche ayant une extrémité concave pour y placer l’arc et des petites entailles sur un côté jusque 32-34 pouces d’allonge avec un pas de 2 pouces (ou 1 seul). La planche devra être assez résistante (épaisse) pour ne pas plier ou casser !
Idéalement, l’allonge doit être réalisée selon le système international (depuis le ventre de l’arc + 1.75 pouce), ce sera plus simple pour contrôler ensuite la puissance de l’arc. N’oubliez pas de numéroter ces entailles (en pouce).

Après avoir réalisé rapidement plusieurs barres en planche de palette, puis en utilisant un bois plus large dans une réalisation plus soignée (voir photo) ; notre barre de tillering v3.0 a été allongée côté arc en y ajoutant un étrier.
Celui-ci permet de réaliser plus facilement le tillering d’arcs reflex ou recurve (très difficile sans étrier), mais aussi d’éviter de devoir marcher sur l’arc pour l’armer ce qui le fait plier de manière anormale.

À vous d’apporter des améliorations à votre outil de travail … un système de maintien de l’arc serait utile par exemple ou encore un repère visuel de la perpendicularité à l’endroit de la fixation de l’arc.

-Le support à poulie-

support à poulie à utiliser durant le tillering. Il s’agit de l’autre solution pour réaliser le tillering. Nous n’avons jamais utilisé ce dispositif, notre expérience est donc limitée :

– Un support est fixé solidement sur une structure (ou un mur) à hauteur des yeux. Dans le cas d’un mur, il devra au moins avoir la largeur d’un arc. Il faut aussi avoir un recul de 2-3 mètres.
– Une poulie est fixée sous l’arc dans l’alignement du support.
– Une corde (avec un crochet côté arc et une poignée de l’autre) passe par la poulie.

En tirant sur la corde, le facteur d’arc arme à distance, ce qui permet d’observer la déformation en « direct » (alors que la barre de tillering demande de s’approcher pour tendre davantage). Un peson peut être ajouté au crochet pour vérifier la puissance en même temps.
Certains tracent des quadrillages sur le mur ou encore la forme « idéale » de l’arc, comme nous le verrons plus tard.

2- LE PESON

Un système de contrôle de la puissance de l’arc sera utile une fois le tillering terminé, mais aussi à plusieurs reprises durant l’équilibrage pour vérifier sa puissance.

Il est possible d’acheter des pesons en archerie, mais le prix est ridiculement plus élevé qu’ailleurs (1kg est identique pour le pécheur et pour l’archer en principe !)
Il en existe toutes sortes de modèles : cylindrique à ressort, avec un cadran rond (affichage plus précis généralement), ou encore électroniques. Ce dernier sera plus cher, mais plus précis.
L’idéal sera un affichage en livre (souvent double livre/kg). Le peson doit pouvoir mesurer au moins jusqu’à la puissance de l’arc désirée, privilégiez donc un modèle de 50kg (110 lbs), vous serez vite limité avec la version 25kg plus courante.

En l’absence de peson, il est possible d’utiliser un pèse-personne, mais les modèles actuels (électroniques) conviennent beaucoup moins à ce type d’utilisation.
Pour cela, il faut placer une grande barre de bois sur la balance, accrocher la poignée de l’arc au-dessus (ou la corde) et tirer vers le bas jusqu’à l’allonge désirée (et soustraire le poids de la barre).

3- UN CRAYON

écrire sur l'arc pour noter les endroit où travailler durant le tillering

Un crayon est également utile pour faire des annotations sur l’arc durant le tillering. Il peut aussi s’agir d’une craie de couleur contrastée avec le bois, d’un bic… évitez le feutre qui marquera le bois plus profondément (difficulté à retirer).

Il est possible de se souvenir mentalement des zones où l’on doit travailler, mais un moyen d’écrire sera préférable pour éviter les erreurs.
Chaque facteur d’arc pourra inventer son propre système d’annotation, voici le nôtre :
– Un trait faisant le tour du bois à l’endroit du centre de l’arc.
– Un trait aux extrémités à l’endroit supposé du centre de la poupée.
– Des traits dans le sens des fibres du bois : zone à retirer. Plus les traits sont denses, plus il faut retirer de matière.
– Des traits perpendiculaires aux fibres : zone à ne pas toucher.

Il s’agit des principales indications à figurer lors du tillering, toutefois, il peut être utile d’ajouter des traits sur les faces latérales de l’arc pour indiquer les endroits où l’arc est courbe à l’origine afin de pouvoir réaliser le tillering en se rappelant ces endroits.

4- LA CORDE DE TILLERING

Pour réaliser le tillering, il faudra, pour la première fois, placer une corde sur l’arc. Il existe deux possibilités pour cette corde :

manchons en cuir à utiliser pour la corde de tillering

– Utiliser une fausse corde avec manchons en cuir (ou autre matériau résistant). La difficulté sera de trouver la bonne largeur pour le manchon, car vous commencerez avec une extrémité d’arc faisant 3 à 5 cm de large et vous terminerez avec 15mm seulement.
Le manchon en cuir a l’avantage de ne pas nécessiter la réalisation de poupées à l’arc, mais implique de bander l’arc entre les jambes (pas de place pour une fausse corde), ce qui devient très difficile au-delà de 60-70 livres de puissance.
L’idéal sera aussi d’avoir un système simple pour diminuer ou augmenter la longueur de la corde (tendeur comme pour les tentes ou juste avec un nœud).

– L’autre solution, plus rudimentaire, sera d’utiliser une corde résistante et d’y faire un nœud coulissant d’un côté et de l’autre, un nœud à ajuster manuellement à la taille de l’arc (nœud d’archer ou autre). Toutefois, ceci impose de réaliser des poupées (temporaires ou définitives) durant le tillering.

Quel que soit le choix, la corde doit être bien résistante et pas trop élastique (sinon l’arc ne pliera pas à sa vraie allonge durant le tillering). Il peut s’agir d’une corde d’arc en dacron ou de tout autre matériau.
Éviter toutefois les fibres naturelles si vous laissez trainer la corde au sol, car elle finira par pourrir et casser durant le tillering au risque probable de casser l’arc.

 

LES POUPÉES TEMPORAIRES

L’étape du tillering impose généralement de réfléchir au type de poupées désirées pour l’arc, car elles peuvent avoir des conséquences sur le travail du bois aux extrémités des branches. Par exemple, une double entaille latérale implique de laisser plus de largeur. Les autres types de poupées devront au contraire se terminer par une section arrondie légèrement conique (12 à 15 mm de diamètre).

Nous détaillerons les différentes formes de poupées durant l’étape finale (finitions), car nous pensons qu’il est préférable de réaliser des poupées temporaires durant le tillering : ne sachant pas si l’arc résistera, il ne faut pas perdre trop de temps, surtout que la largeur de la branche n’est pas encore déterminée et que des ajustements seront nécessaires ultérieurement.

Si vous optez pour une corde classique avec nœuds, des poupées temporaires sont nécessaires. Il existe surtout 2 solutions :
– Des entailles latérales grossières à la râpe « queue de rat » conviennent parfaitement, mais réduisent les possibilités d’ajustement latéral ultérieur.
double entaille latérale avec une rape queue de rat

– Un enroulage d’un gros fil de chanvre pris dans de la colle à bois est aussi efficace et à l’avantage de pouvoir être entièrement retiré sans abimer le bois ni réduire les possibilités ultérieures. Par contre, il faudra attendre quelques heures que la colle sèche avant de faire le tillering. Ce système permet aussi de prévoir deux emplacements pour la corde, soit pour imaginer réduire l’arc en longueur sans le recouper immédiatement (gagner en puissance), soit pour armer l’arc avec une fausse corde – deuxième corde (arcs puissants).
enroulage de corde de chanvre avec colle comme poupée temporaire

 

LA MÉTHODE DE TRAVAIL

LE PROCESSUS

Le tillering se met en place de manière empirique, en retirant un peu de matière et en vérifiant ensuite… et en répétant ceci autant de fois que nécessaire jusqu’à obtenir la forme désirée. Il est important de rappeler que l’on ne retire du bois que côté ventre ou sur les faces latérales durant le tillering (sauf parfois pour arrondir les bords côté dos, mais très légèrement). En retirant sur les faces latérales, la courbure sera peu modifiée.

La méthode est donc plutôt simple :
1- Placer l’arc sur la barre de tillering avec sa corde (le centre de l’arc sur l’appui central de la barre). il est parfois utile de le maintenir avec un serre-joint si l’arc est reflex ou recurve.
2- Vérifier que l’axe passant par les 2 poupées est bien perpendiculaire à la barre de tillering. Ceci est très important afin d’analyser correctement la courbure et doit être réalisé à chaque reprise.
Dans la majorité des cas, cela signifie que la poignée de l’arc est perpendiculaire à la barre, pour les arcs tordus ce n’est pas toujours le cas (il faudra donc se souvenir de cette inclinaison pour la suite).
3- Tendre la corde jusque 12-14 pouces si c’est le premier test, sinon la tendre jusqu’à la précédente allonge testée.
4- Vérifier la courbe en se plaçant à 2-3 mètres de l’arc. Le regard doit être perpendiculaire à l’arc pour analyser la courbure, donc si ce dernier est proche du sol, il sera nécessaire d’incliner la barre de tillering contre un appui.
5- Si l’arc n’a pas clairement de charnières ou de branche plus légère et si la puissance ne dépasse pas celle finale, il faut alors tendre de 2 pouces supplémentaires (ou davantage) afin de voir plus clairement la déformation des branches.
6- Lorsque l’allonge est suffisante pour voir une déformation anormale de l’arc (charnière ou branche plus faible), il est alors utile de marquer avec un crayon les zones à travailler et/ou à ne pas toucher.
7- Désarmer l’arc, retirer la corde, le placer sur l’établi de travail.
8- Retirer du bois avec l’outil approprié selon vos observations précédentes… et recommencer le test depuis le point 1.

À noter que certains facteurs d’arc conseillent de tendre et détendre plusieurs fois l’arc entre chaque nouveau test pour que le bois plie selon sa nouvelle forme ! Cela ne semble pas forcément scientifique, à vous de voir…

 

LES ÉTAPES

L’équilibrage se fait en plusieurs étapes (on peut aussi y ajouter le tillering au sol) :

1- La corde lâche

Le tillering sera premièrement réalisé avec une corde lâche ne pliant pas l’arc (légèrement plus grande que celui-ci) et que l’on tend progressivement, 2 pouces à la fois.
Les 8-10 premiers pouces de tension sont les plus importants et permettront de donner la courbure générale de l’arc, d’éliminer les charnières principales.
Plus vous tendez l’arc, plus les mauvaises courbures sont visibles, mais plus vous risquez le suivi de corde ou la casse !
Au-delà de 22-24 pouces d’allonge, la courbure est souvent plus ou moins définie. Le travail sera ensuite plus rapide, des ajustements plutôt. Il faudra continuer jusqu’à l’allonge de 28 ou 30’’ (toujours avec une corde lâche). L’arc plie suffisamment pour être bandé !

Étonnamment, la puissance avec une corde lâche n’est pas très inférieure à la force définitive ! Dans les faits, en armant 4 pouces au-delà de l’allonge définitive, on obtient déjà la puissance finale de l’arc, car la force augmente plus rapidement lorsque la corde est lâche.

Il est important de noter que tant que l’arc n’est pas bandé avec une corde à la bonne mesure, il sera très difficile de maintenir les arcs reflex ou recurve sur le support de tillering. Ils auront toujours tendance à se retourner pour plier dans un sens plus « logique ». Pour réussir à équilibrer, nous ne trouvons pas d’autres solutions que de les maintenir à l’aide d’un serre-joint (enrouler un chiffon autour de la poignée si vous voulez éviter les marques du métal). Toutefois, ceci oblige l’arc à plier selon un axe qui peut être différent de l’axe définitif.

2- Le tillering arc bandé

Dans un deuxième temps, il faudra alors adapter la longueur de la corde pour un band de 15-17 cm (band classique pour les selfbows). Pour ceci, il faut que la boucle se trouve à environ 10 cm de la poupée.

Pour les arcs recurve ou reflex (surtout s’ils sont légèrement tordus), en bandant l’arc, vous découvrirez le véritable sens de courbure de l’arc. Si vous avez laissé des extrémités de branches plus larges, il sera encore possible de rectifier légèrement pour que l’arc plie plus correctement.

Dans la majorité des cas, le tillering arc bandé est assez rapide : juste quelques rectifications, mais les erreurs sont d’autant plus malvenues.
Il faut donc progresser par pas de 2 pouces et vérifier à chaque fois si la courbure est correcte jusqu’à ce que vous arriviez à l’allonge désirée … l’arc est alors prêt à tirer !
Toutefois, par sécurité, les facteurs d’arc préfèreront tester 2 pouces au-dessus de l’allonge de l’archer, car l’arc reçoit des chocs durant le tir.

La puissance de l’arc doit idéalement être 2-3 livres au-dessus de l’allonge définitive, car il pourra perdre encore quelques livres durant les finitions ou durant les premiers tests.

3- Le test

Puisque l’arc est fonctionnel, il faudra lui réaliser une corde et le tester en condition normale de tir. Les poupées temporaires fonctionnent parfaitement pour le tir, par contre, elles demandent parfois une boucle de corde plus large.
Certains facteurs d’arc estiment qu’il faut tirer plusieurs volées de 12 flèches et vérifier la courbure entre chaque, ou encore de le tester à nouveau quelques jours plus tard au cas où le bois n’aurait pas été assez sec en profondeur. D’autres estiment qu’un arc a plus de risque de casser durant les 100 premières flèches (si le bois est de mauvaise qualité) et préfèrent donc les tirer avant de réaliser les finitions.

Quoi qu’il en soit, il est utile de tester l’arc et de revérifier ensuite sa courbure et sa puissance au cas où il y aurait des corrections à prévoir. Normalement, si vous l’aviez testé 2 pouces au-delà de votre allonge, la puissance ne devrait pas avoir changée.

Précisons toutefois que si vous réalisez un arc pour une autre personne qui tire à plus grande puissance ou allonge, il sera alors difficile de véritablement le tester dans ces conditions finales! Dans ce cas, une sécurité de tillering de 3 pouces au-delà de l’allonge peut être utile, mais augmente d’autant plus les risques de casse.

4- Solution alternative

Certains facteurs d’arc préfèrent une solution alternative dans le phasage du tillering (qui n’est pas foncièrement différente). Il s’agit d’obtenir une courbure la plus correcte possible à 22 pouces environ avec une corde lâche tout en restant sous la puissance désirée pour l’arc (environ la moitié de sa puissance à 22 pouces) et de bander directement l’arc pour réaliser la fin du tillering, ce qui permet de contrôler plus facilement la puissance réelle de l’arc en utilisant un peson durant le reste de l’équilibrage. Il s’agira donc de continuer le tillering sans jamais dépasser la puissance finale en retirant du bois petit à petit, ce qui permet d’augmenter l’allonge progressivement en gardant la puissance.
Cette alternative permet de terminer plus précisément à la puissance désirée, mais demande plus de temps.

 

ASTUCES POUR OBTENIR LA COURBURE IDÉALE

Estimer correctement la courbure de l’arc est primordial pour éviter les erreurs et pour obtenir un arc efficace. Il n’y a toutefois pas de solution miracle, sauf l’observation.
Toutefois, attention que le cerveau n’est pas toujours un bon conseillé en termes de géométrie, car il corrige par lui-même certaines imperfections ou asymétries, il rectifie les perspectives… il peut donc aussi se faire berner : les illusions d’optique en sont la preuve !

Il est donc parfois utile de ne pas faire entièrement confiance en ce qu’on voit et d’utiliser quelques astuces qui, pour beaucoup, permettent d’envisager la forme sous d’autres angles ou partiellement (multiplier ces différentes astuces permet d’améliorer notre perception de la courbure) :

– Un premier élément important sera le fond sur lequel vous réalisez le tillering. Idéalement, il doit être d’un ton plutôt contrasté par rapport à celui de l’arc et pas trop bariolé.
Un fond avec des lignes horizontales (ou un quadrillage) peut être utile pour vérifier les alignements à plusieurs endroits de l’arc et leur correspondance en symétrie.
Il peut s’agir de traits au crayon sur un mur, de bardage en bois, de briques, ou encore d’un carrelage de sol. La barre de tillering doit obligatoirement être perpendiculaire aux lignes.
Attention toutefois que des traits trop voyants ou contrastés peuvent aussi créer des illusions d’optique gênantes pour un bon tillering …

– Certains facteurs d’arc tracent la forme « idéale » de l’arc sur un mur à l’arrière ou sur une feuille transparente afin de vérifier que la courbure convient. Dans ce cas, il est nécessaire d’adapter la forme au type de poignée (longbow/flatbow) et sa longueur, la longueur des branches, l’allonge finale, arc droit ou recurve statique ou flexible… beaucoup de paramètres et donc de possibilités ! C’est surtout utile dans le cas de fabrication à la chaine d’un même type d’arc.

– Il est  utile de faire le test de courbure en changeant régulièrement le côté d’observation de l’arc (branche supérieure à gauche puis à droite), ainsi qu’en regardant côté ventre puis dos. En effet, parfois une ondulation particulière, des taches sur le bois, un morceau d’écorce resté sur l’arc peuvent induire en erreur par effet de contraste. Une zone plus sombre peut aussi donner l’impression, fausse, que la branche est moins épaisse localement.
Malgré tout, lorsque le tillering semble très différent d’un côté par rapport à l’autre, il n’est pas toujours simple de faire un choix !

– Une astuce que nous utilisons régulièrement consiste à cacher une partie de l’arc avec les deux mains pour observer la courbure sur 30-40 cm et ainsi s’assurer que l’arc plie effectivement sur ce tronçon. En bougeant les mains, il est alors possible de vérifier l’entièreté de l’arc.
Ensuite, il est possible de cacher la moitié de l’arc puis l’autre afin de vérifier que les deux branches plient autant (éviter que le cerveau corrige par lui-même la symétrie).astuce tillering: cacher l'arc

– Pour la même raison, certains facteurs d’arc utilisent un miroir pour observer la symétrie des deux branches successivement (mais aussi pour se regarder en train d’armer l’arc… cela peut révéler certaines imperfections).
Dans le même principe, en plaçant un plexiglas devant soi (légèrement en oblique), il est possible de voir la réflexion d’une branche de l’arc tout en voyant l’autre branche par-derrière pour vérifier la symétrie de l’une sur l’autre.

– Il est possible de photographier l’arc courbé et d’utiliser des outils informatiques afin de superposer une forme géométrique (cercle). Cela multiplie toutefois le temps de tillering par 5 si vous le réalisez à chaque test.

– Une astuce très utile également (pour vérifier si les extrémités de l’arc sont alignées) sera de vérifier que l’inclinaison de la poignée ne change pas en tendant (c’est pourquoi il faut toujours ajuster la position de l’arc à faible allonge avant de tendre la corde). En effet, puisque l’on tire sur le centre de la corde, si une branche ne plie pas assez, ce sera tout l’arc qui s’inclinera en conservant l’alignement des extrémités. Malgré tout, ce n’est pas toujours facile de vérifier cette inclinaison (peu visible).astuce tillering : regarder la poignéeToutefois, si vous placez un serre-joint pour maintenir l’arc, il le bloquera légèrement et vous pourrez vous rendre compte que la corde part en oblique par rapport à la barre de tillering.astuce tillering : corde part en oblique

– Certains facteurs d’arcs portent une attention particulière à l’arc après avoir relâché la corde. Si l’arc semble prendre un suivi de corde local (souvent momentané), il plie plus qu’ailleurs à cet endroit ou le bois est plus faible! Ceci permet de ne pas tenir compte uniquement de la courbure, mais bien du but principal du tillering : répartir les efforts de flexion sur toute la branche.

– Pour réaliser le tillering des arcs tordus, il est parfois utile de brouiller ces yeux en les fermant légèrement. Ceci atténue les imperfections de la forme d’origine (les nœuds surtout).
Une autre astuce consiste à tracer un trait droit sur le côté de l’arc et de réaliser le tillering par rapport à ce trait.

– Nous terminerons nos « astuces » en précisant que certains facteurs d’arc fonctionnent beaucoup en regardant l’épaisseur des branches et surtout les cernes du bois, pour vérifier que la diminution d’épaisseur est constante : les cernes se terminent avec un écart constant. Si au contraire, des ilots apparaissent, cela signifie que l’épaisseur augmente à cet endroit ou reste constante.astuce tillering épaisseur diminue progressivementastuce tillering épaisseur constante
C’est en effet, un indicateur parmi d’autres, mais cela ne convient que pour des bois très droits et ayant des cernes d’épaisseur constants (ce qui n’est naturellement jamais le cas puisque certaines années sont plus chaudes que d’autres- été plus long).
De même, à l’endroit des nœuds les cernes ondulent différemment ou encore si vous devez élargir l’arc à un endroit la bonne courbure imposera de réduire l’épaisseur localement. Il est aussi possible que le bois soit plus résistant (ou moins) à certains endroits de la branche, ce qui impose de modifier l’épaisseur.
L’observation des cernes apporte une indication supplémentaire, mais on ne peut pas baser le tillering uniquement sur cela. De plus, les arcs travaillés de biais ou à l’envers ont des cernes dans l’autre sens, ce qui ne permet pas d’utiliser cette astuce.

 

LES DERNIÈRES MISES AU POINT

Une fois le tillering terminé (ou presque) il peut y avoir certaines décisions à prendre si l’arc n’est pas totalement comme vous l’envisagiez :

LA PUISSANCE TROP FAIBLE

Il s’agit d’un problème courant, d’où notre insistance sur ce point tout au long des articles.

L’idéal sera d’avoir réalisé le tillering avec un arc 5-10 cm plus grand que prévu, ce qui permet de le recouper en fin d’équilibrage si nécessaire. On peut compter une augmentation de 3-4% de la puissance en recoupant l’arc de 1% de sa longueur. Cette solution reste donc limitée si vous devez augmenter fortement la puissance.
Il sera ensuite nécessaire de vérifier la courbure, mais elle ne devrait pas avoir vraiment changé si vous coupez moins de 10cm (5cm de part et d’autre). Au-delà, il est parfois utile de réajuster légèrement les courbures ce qui fait encore diminuer la puissance.
Nous recommandons de placer une poupée temporaire plus basse sur la branche pour vérifier la courbure et la puissance avant de couper.

poupées temporaires pour vérifier la courbure

Une autre solution sera de placer un renfort en tendon sur l’arc (backing). Ceci ajoute de l’épaisseur à la branche et en se rétractant, le tendon précontraint le bois, ce qui fait gagner 20 à 40 % de puissance (selon l’épaisseur de tendon). L’intérêt du backing sur un arc relativement long est nul car cela l’alourdira, préférez donc recouper l’arc avant de placer le tendon, ce dernier permettra de résister à une plus grande contrainte.
Nous n’entrerons pas dans les détails, mais vous pouvez consulter cet article et le suivant pour imaginer la procédure. Vous aurez le temps de réaliser 2 autres arcs simples à la place de la pose et de la préparation du tendon… réfléchissez donc!

La dernière solution pour augmenter la puissance sera de recourber les extrémités de l’arc (recurve) ou sa poignée (reflex). À notre avis, il est préférable de faire cela avant le tillering, car ensuite, il est possible que les branches partent sur le côté (arc pliant de biais). De plus, le tillering pourrait devoir être réajusté légèrement.
Le gain de puissance dépend de l’importance de la courbure, mais nous n’avons pas d’ordre d’idée. Cela peut prendre une ou deux heures, sans compter le risque de casse assez important (en recourbant et en augmentant les contraintes internes). Nous pouvons donc nous demander si redémarrer un autre arc ne sera pas préférable également.
Nous tenterons prochainement de réaliser un article expliquant les manières de recourber les branches d’un arc.

 

UNE BRANCHE TROP FAIBLE

Il n’est pas rare qu’en fin de tillering, une branche soit un peu trop faible et en la réajustant, la puissance de l’arc pourrait diminuer aussi !
La première solution sera d’accepter cette imperfection, en sachant bien que nous tendons toujours vers la forme idéale, mais qu’il n’est naturellement pas possible d’y arriver à la virgule près ! En voulant réajuster, nous risquons que l’autre branche devienne trop faible ensuite…
Si vous avez opté pour un arc de type symétrique (flatbow symétrique ou longbow), il faudra placer la branche la plus rigide en bas, comme nous l’avons déjà précisé.

Si, malgré tout, vous désirez rééquilibrer la branche plus faible sans perdre de puissance, il sera possible de la recouper de 2-3 cm ou plus (testez avec une poupée temporaire auparavant).
Attention toutefois que cela modifie le centre de l’arc, ce qui est parfois impossible pour les flatbows (laisser la place pour la main et pour la flèche).

Notons que la solution de recouper une branche peut être nécessaire aussi durant le tillering lorsqu’elle plie trop à son extrémité. Un rééquilibrage complet peut alors faire perdre beaucoup de puissance, ce qui peut être facilement rectifié en coupant 5 cm.

 

L’ARC PLIE EN OBLIQUE

Lorsque l’arc plie en oblique (dos non perpendiculaire à l’axe de la corde), la solution la plus simple sera d’accepter cette imperfection encore une fois ! Nous n’avons pas vraiment vu de différence lors du tir ou de perte d’efficacité, il y a peut-être juste un léger risque de casse supplémentaire. Le problème sera par contre beaucoup plus gênant pour les arcs recurves (la corde risque de partir de côté après le tir).
Par contre, même si le problème est plus rare avec un flatbow (les branches orientent l’axe de flexion), si cela se produit, il est probable qu’il faille rogner un côté de la poignée pour la réajuster dans l’axe de la corde (sinon cela augmentera le paradoxe de l’archer). Attention à sa résistance.

retailler la poignée du flatbow s'il tourne de biais

Il nous est arrivé une fois, qu’un arc plie en oblique, mais surtout qu’en l’armant, la poignée continue à tourner selon un autre axe. Le tir ne semblait pas vraiment affecté, mais ça reste assez difficile d’imaginer les conséquences.

longbow tournant dans la main lors du tir

Quoi qu’il en soit, il sera toujours préférable d’éviter que l’arc plie en oblique en prenant des précautions durant tout le travail de fabrication. Toutefois, si vous n’avez pas réussi jusqu’ici, il sera encore possible de rectifier de mauvaises courbures à la chaleur.
Dans le cas d’un longbow, il sera plus difficile de recourber l’arc, car le bois est plus épais. Pour flatbow, il est possible de rectifier en le forçant contre un chevron au moyen d’un serre-joint après avoir chauffé le bois. Il faudra plier le bois 50% plus que nécessaire, car il reviendra en place légèrement. Pour vérifier l’alignement des poupées avec la poignée, le système de la ficelle fonctionne parfaitement.

Rectifier un flatbow pliant de biais

 

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Texte, photos & schémas : Fabien Houssin (sauf manchons cuir)

CC BY-NC-SA 4.0