Pour des raisons de transport, la majorité des ouvrages de siège sont réalisés sur place, avec les ressources et les moyens présents à proximité. La présence de forêts ou de bâtiment en bois autour du siège (pillage des villages) rendait ce matériau incontournable lors d’un siège, à l’exception de certains sites de montagne.
Le bois était essentiel dans le camp des assiégeants pour le blocus, les travaux d’approche et les machines de siège (c’est-à-dire les premiers moyens de défense et d’attaque). L’absence de bois pouvait stopper un siège ou influencer les techniques utilisées.
Le feu sera donc primordial pour les défenseurs de la forteresse pour contrer cette « artillerie de bois ».

Les substances incendiaires

Des recettes secrètes

Les militaires de l’époque ont fait de nombreuses recherches pour trouver des projectiles capables de propager le feu, plus efficaces qu’une simple torche lancée à la main. En effet, à une certaine vitesse, un projectile enflammé s’éteint par manque d’oxygène. De plus, le feu ne se propage pas facilement à du bois vert si la planche est assez massive, la torche ne produit pas assez de chaleur, elle se consume sans répandre sa flamme.

De multiples substances ont donc été mises au moins selon les usages. Les recettes sont parfois secrètes (comme celle du feu grégeois), mais il semble qu’elles mélangeaient plusieurs ingrédients : huile de térébenthine, graisse, huile, poix, genièvre, soufre, résine, naphte, salpêtre, pétrole naturel, chaux vive…
La majorité de ces substances amélioraient l’inflammabilité en dégageant plus de chaleur ou permettent de répandre les flammes sur une plus grande surface. Il semble aussi que le salpêtre (azotate de potassium) entrait souvent dans la composition. En effet, il dégage de l’oxygène qui active la combustion et le rend indépendant du milieu et de la vitesse du projectile. La substance est plus difficile à éteindre aussi.

 

Le feu grégeois

Il s’agit d’un mélange devenu célèbre, car il a permis aux Byzantins de leur donner une supériorité incontestable sur les Arabes et les Russes. Après la prise de Constantinople (1204), les secrets pyrotechniques se diffusent, mais assez lentement.

Le feu grégeois (mais aussi d’autres mélanges qui en sont issus) avait le grand avantage d’être insensible à l’eau et de flotter à sa surface en une nappe flamboyante. Seuls les acides (vinaigre, urine fermentée…) ou l’étouffement du produit (terre, sable…) avaient un effet pour les éteindre !
Ces produits avaient donc un rôle primordial durant les combats navals, mais aussi en siège pour bruler les engins de siège sans avoir la possibilité de les éteindre.

 

Les dispositifs pour bouter le feu

Les brulots

Il s’agit d’engins simples, souvent des charrettes chargées d’une grande quantité de matière inflammable (bois sec, graisse, sang coagulé…). Les soldats y mettaient le feu et le poussaient alors vers la cible.

Vu la quantité de matière enflammée et le pouvoir calorifique, il était alors très difficile d’arrêter le feu qui se propageait rapidement aux installations voisines réalisées en bois et aux suivantes. Des matières créant beaucoup de fumée durant leur combustion pouvaient être ajoutées dans le brulot. Ceci obligeait les soldats de s’en écarter, leur laissant encore moins de chance de stopper le feu. Cette astuce pouvait aussi obliger les soldats à quitter une position stratégique si les vents étaient favorables.

Il s’agit donc d’un engin très efficace, mais qui met en danger les personnes qui le déplace bien que des pavois pouvaient y être ajoutés (pavois détachables pour le retour du soldat).
Malgré tout, les défenseurs des places fortes ne pouvaient pas risquer d’ouvrir les portes, car l’ennemi pourrait en profiter pour entrer rapidement. Les brulots étaient donc plutôt utilisés par les assaillants contre des portes en bois ou des palissades.

 

Les torches

La torche a certainement été le premier moyen de mettre le feu aux éléments en bois. Il s’agissait d’un bâton dont l’extrémité était plongée dans une substance inflammable afin de ne pas consumer directement le bois et d’éviter qu’elle ne s’éteigne trop facilement.

Il pouvait s’agir d’une torche lancée à la main ou encore placée au bout d’un long bâton. On observe ces sortes de lances à torche sur la tapisserie de Bayeux (utilisé par des cavaliers). Ce dispositif devait permettre de créer plusieurs foyers en peu de temps.
Valturio, dans le livre « De Re Militari », montre des sortes de grosses poches légèrement ouvertes à leur extrémité (en cuir vraisemblablement) et reliées à une corde que l’on pouvait lancer en les faisant tourner comme les frondes de l’époque. L’ouverture au fond de la poche devait permettre d’alimenter la torche en oxygène sans qu’elle s’éteigne par la grande vitesse de rotation. Le cuir finissait certainement par bruler et propager le feu à la cible.

 

Le fer rouge

Lorsqu’une grande masse de fer est rougie, la température très élevée reste assez longtemps pour mettre le feu au bois. Cette solution a l’avantage de ne pas nécessiter de flamme qui s’éteint à grande vitesse en lançant le projectile.
Toutefois, ceci impose un fer lourd et massif (gros bloc) sinon la température diminue trop rapidement au contact de l’air. Pour une utilisation en archerie, cela réduisait fortement la portée et il fallait emmancher le fer juste avant de tirer. Le fer rougi était donc plus utilisé par des frondes (galets métalliques) ou par les machines de siège (boulets ou grosses flèches d’espringales). Il était aussi possible de lancer à la main des barres de fer rougi.

 

Les flèches incendiaires

Vu la grande portée des arcs et arbalètes, leur utilisation pour bouter le feu a rapidement été envisagée. Toutefois, la rapidité du projectile ne permet pas d’alimenter la flamme en oxygène : elle s’éteint immédiatement comme lorsqu’on souffle sur une bougie.
Il est possible de régler le problème en plaçant un cône derrière la pointe afin que le feu ne soit pas perturbé par la vitesse, à la manière de la poche de cuir de Valturio. Toutefois, il ne semble pas que cette solution ait été utilisée au Moyen Âge (la flèche perd de la vitesse et donc de la portée).
Les solutions retrouvées sont des pointes sur lesquelles était enroulé un morceau de tissu ou d’étoupe imprégné de substances incendiaires afin que la flamme ne s’éteigne pas ou se rallume une fois plantées dans la cible. Il peut s’agir de pointes allongées (longueur suffisante pour enrouler le tissu) ou de pointe qui se divise en 4 à la manière d’une petite cage pour y placer de l’étoupe, du chanvre, ou toute autre matière inflammable.
L’inconvénient des flèches incendiaires sera le faible pouvoir calorifique qui ne permet pas facilement de mettre le feu à du bois vert et s’éteint facilement en s’aspergeant d’eau ou de terre. Elles pouvaient toutefois mettre le feu à de la paille ou enflammer des substances inflammables préalablement jetées sur le bois.

 

Les récipients incendiaires

Les substances inflammables (feu grégeois, alcool, goudron…) pouvaient être placées dans différents types de récipients :
– Des petits récipients étaient parfois placés sur des flèches incendiaires. En éclatant, elles dispersaient des gerbes enflammées (flèche de Karthay).
– des sortes de grenades à main en terre cuite que l’on pouvait lancer sur l’ennemi ou leurs protections en bois.
– des barils dont on pouvait répandre le contenu autour des installations à bruler, ou bien les lancer à l’aide de machines à balancier.

Les mélanges étaient visqueux et gluants afin de se coller à la cible et s’enflammaient facilement à basse température. Il fallait malgré tout mettre le feu à ces substances soit en lançant une flèche incendiaire, soit en plaçant une flamme sur le côté du contenant (lorsque le récipient se brisait, le tout s’enflammait).
Certaines illustrations médiévales montrent une sorte de lance-flamme placé à l’avant de bateaux. Un récipient de matière inflammable était chauffé et pompé pour être lancé sur l’ennemi à quelques mètres de distance.
Ces différentes solutions étaient toutefois très marginales comparées aux torches, brulots, fers rougis ou flèches incendiaires. Les effets étaient aussi difficilement contrôlables, dangereux pour les utilisateurs.

 

La poudre noire

Rapidement, les Occidentaux cherchèrent à utiliser la force explosive et propulsive de la poudre. Ceci marquera les débuts de l’artillerie à feu. Mais la poudre était aussi employée pour exploser les installations adverses, en remplacement des substances inflammables.
Les récipients incendiaires devinrent alors bien plus efficaces : les grenades en terre cuite éclataient alors en plusieurs éclats meurtriers, les barils de poudre réalisaient d’énormes explosions en s’ouvrant au sol. Le canon sera toutefois plus efficace encore.
Petit à petit, l’explosion remplace le feu… elle s’avère bien plus efficace et surtout immédiate ! Le bois met des heures à se consumer, ce qui laisse le temps aux ennemis de l’éteindre ou de poursuivre leur entreprise. Le siège doit se transformer face à l’explosion, le bois ne résiste plus assez et disparait progressivement au profit de la terre (tranchées, mines…). Les engins de siège en bois sont pulvérisés par la poudre et disparaissent doucement durant le XVe siècle même si certaines techniques médiévales restèrent utilisées jusqu’au début du XVIIe siècle.

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