Le beffroi est une haute tour de siège aux fonctions multiples. Cet engin regroupe en effet plusieurs autres machines déjà décrites : chat, échelle, tir au-dessus des murs, et parfois même une arbalète géante ou un trébuchet… Il s’agit donc d’un engin très efficace, mais très long à fabriquer, cher et qui demande de lourds travaux d’approche.

 

Histoire

L’hélépole (« preneur de cités ») a été inventée en Grèce antique par Polyeidos de Thessalie au VIe siècle av. J.-C. Il s’agissait à cette époque de l’engin de siège le plus efficace. Il le restera durant très longtemps. Ces dimensions sont impressionnantes : 40m de haut sur 21 de large pour un poids de 180 tonnes. Nous pouvons toutefois nous demander si une tour d’une telle dimension est vraiment utile face à des murs bien moins hauts !

Cet engin de siège sera redécouvert au Moyen Âge, comme bon nombre d’autres, dès la seconde moitié du XIIe siècle grâce à la relecture des livres antiques. À cette époque, il reste l’une des machines les plus efficaces : si le beffroi s’accole à la muraille, la place est prise!

 

Utilisation

La tour d’assaut peut réunir en elle-même tous les avantages des machines déjà citées :

  • Très bonne protection de nombreux soldats durant l’approche.
  • Possibilité de tirer sur les soldats au-dessus des murs.
  • Possibilité de s’approcher des défenses ennemies en bois et d’y mettre le feu.
  • Échelles pour arriver directement à la hauteur des courtines
  • De nombreux soldats pourront arriver en même temps en haut des murs afin de submerger les défenseurs
  • Possibilité d’y ajouter un bélier ou de réaliser une sape en toute sécurité.

 

Les défauts

La tour d’assaut est une véritable forteresse sur roue, très efficace ! Elle possède toutefois de grands défauts :

  • Le temps de construction est très important. Son coût l’est donc tout autant, il faut en effet payer les troupes après quelques semaines (durant la construction de la tour).
  • Il faut aussi des enginieurs ou charpentiers plus expérimentés, pouvant construire des structures mobiles dépassant les 20 mètres de haut parfois.
  • Le beffroi demande beaucoup de bois pour la structure, le bardage, mais aussi les travaux d’approche. Si le bois se faisait rare à proximité, il était alors plus difficile de réaliser cette machine.
  • Vu la hauteur et le poids du beffroi, le terrain devait être parfaitement aplani et sécurisé pour ne pas s’enliser, bloquer une roue ou se renverser dans les douves. De très lourds travaux d’approche étaient donc nécessaires.
  • Le beffroi ne pouvait pas être envisagé en cas de terrain escarpé ou ayant une forte pente.

Le beffroi est donc un engin d’assaut et pas d’approche (travaux préliminaires indispensables). Mais il permettra de protéger efficacement les soldats jusqu’en haut du mur.

 

Principe de protection *

Le beffroi est bardé de planches de bois et recouvert de peaux de bêtes ou de cuir, comme c’est le cas pour le chat également. La partie arrière de la tour, non exposée aux tirs ennemis, n’est pas forcément recouverte de bardage afin de faciliter l’entrée des soldats.

Des meurtrières ou des fenêtres (pouvant être fermées par des volets de bois) permettaient aux assaillants de tirer des flèches sur les défenseurs durant le long déplacement de la machine. Sans moyen d’attaque, les défenseurs avaient donc le temps de lancer des pierres pour bloquer la tour, y mettre le feu, la renverser…

 

Forme générale

Le beffroi est une tour de bois sur roue. La base de la tour était vraisemblablement plus large que son sommet afin de limiter les risques de renversement. La hauteur de la machine était adaptée à celle de la fortification afin de pouvoir atteindre le niveau supérieur des murs et parfois de les surplomber.

À l’intérieur, plusieurs planchers sont aménagés afin d’abriter de nombreux soldats durant l’approche de la tour. Des échelles doivent également permettre aux assaillants de monter rapidement au niveau des courtines afin de submerger les défenseurs.

 

Variantes formelles

La tour « minimale » possède une échelle, plusieurs paliers, des protections périphériques et des roues. À ceci pouvaient s’ajouter plusieurs éléments défensifs ou offensifs :

  • Un pont-levis pouvait être aménagé au niveau d’attaque afin de protéger les assaillants durant le déplacement de la machine et de combler un possible espace entre la tour et la muraille. Il est probable que cette « option » n’a pas été réalisée avant son invention pour l’architecture militaire (fin XIIIe siècle).
  • Une plateforme supérieure permet à des archers de tirer au-dessus des murs à l’abri d’une palissade avec archères. Une arbalète géante pouvait aussi être placée à cette hauteur afin de pouvoir tirer des traits sur des machines de sièges placées à l’intérieur de l’enceinte par exemple.
  • Un beffroi appelé « truie » possédait un trébuchet à son sommet. Il s’agissait vraisemblablement d’un modèle de moyenne grandeur, mais les boulets envoyés devaient atteindre une grande distance vu sa hauteur et pouvaient aisément tirer sur des machines des défenseurs. La truie a été construite à La Réole en 1324, elle pouvait contenir 100 hommes. Du Guesclin la loua en 1377 pour assiéger Bergerac.
  • Des béliers pouvaient, semble-t-il, être placés dans les étages inférieurs. Toutefois, cela nous semble peu évident, car le beffroi sert essentiellement à l’assaut, pourquoi tenter de démolir une porte ou un mur si les soldats passent par-dessus !? De même, utiliser un beffroi pour protéger les travaux de sape semble démesuré. Le but de l’assaillant sera toujours l’assaut final.
  • Le beffroi pouvait aussi être une tour du campement des assaillants (tour de contrevallation). Le moment opportun, la tour se détachait alors du campement pour mener l’assaut afin de surprendre les défenseurs !

 

Moyen de déplacement *

Le beffroi est haut et lourd (plusieurs dizaines de tonnes), rempli de plusieurs dizaines ou centaines de soldats armés. La machine était montée hors de portée des défenseurs et se déplaçait en terrain hostile jusqu’aux murs. Seul un système de démultiplication des forces (cabestans, treuils, moufle, cage à écureuil…) pouvait déplacer une telle machine sur plusieurs centaines de mètres.

Le déplacement d’une telle machine posée sur plusieurs roues nécessite aussi un terrain parfaitement aplani et souvent un plancher pour éviter de s’enliser ou de se bloquer. Les douves devaient aussi être comblées afin de s’approcher des murs.

Viollet-le-Duc va encore plus loin et imagine une longue rampe sur piliers de plusieurs dizaines de mètres de long. Ceci permet d’avancer la tour vers son lieu d’attaque avec plus de facilité. Toutefois, nous pouvons nous demander si des travaux d’approche aussi sophistiqués sont plausibles à quelques mètres de l’enceinte (sans que les défenseurs les détruisent).

 

Contrer le beffroi

Les assaillants plaçaient certainement beaucoup d’espoir dans le beffroi vu les lourds travaux d’approche préalables. La destruction d’une telle tour, et parfois la mort des nombreux soldats qui s’y cachaient, pouvait avoir de lourdes conséquences sur le résultat du siège.

Il existe en effet des moyens de contrer le beffroi :

  • La solution la plus sure sera d’empêcher les travaux d’approche préliminaires, en les détruisant régulièrement (sortie des défenseurs, flèches ou boulets lancés à l’aide d’une machine à balancier…)
  • Bloquer le beffroi lorsqu’il s’approche des murs en détruisant les roues, le plancher sur lequel il se déplace ou le treuil permettant de déplacer la machine. Si la machine est immobilisée sous les tirs ennemis, il sera alors difficile de la réparer ou de la débloquer.
  • En faisant s’écrouler la machine sur son flanc. Ceci était possible en détruisant des roues d’un côté, en sabotant certains planchers d’approche ou encore en tirant sur le haut de la machine avec des treuils depuis les fortifications.
  • En détruisant la tour avec des machines de siège à balancier ou avec des arbalètes géantes de grande puissance.
  • La dernière solution sera de placer une deuxième ligne de fortification devant le mur de pierre : la braie ou la fausse-braie. Il faudra alors détruire cette première palissade avant d’avancer le beffroi.

CC BY-NC-SA 4.0