Le meilleur moyen de prendre une forteresse sera souvent d’éviter le siège et donc de gagner du temps, de l’argent et parfois d’éviter les effusions de sang. Même si ce n’était parfois qu’en cas de dernier recourt, bon nombre de places fortes sont tombées par la ruse, la trahison, ou par reddition.

La trahison

L’âme humaine étant ce qu’elle est, nombre de places sont tombées suite à une traîtrise.
Ainsi en 1098 lors du siège d’Antioche, Bohémond de Tarente soudoie un dénommé Firouz qui donne l’accès de la ville aux croisés.

La Ruse

Il s’agit bien d’un moyen pour entrer dans une fortification ! L’attaque-surprise ou de nuit peut être considérée comme une ruse (si les portes sont encore ouvertes, c’est plus simple d’entrer !) Cette solution n’évite pas forcément les combats, mais permet de prendre la place forte avec un minimum de dégâts humains (de la part des assaillants tout au moins).

Les routiers (et les grandes compagnies) utilisaient souvent la ruse pour prendre une fortification : un petit nombre d’entre eux s’infiltrent la nuit avec des échelles (là où il y a une faiblesse dans la courtine, là où les gardes se sont endormis…) ; ils ouvrent l’accès à la fortification et l’ensemble des hommes entre ainsi sans difficulté dans la ville.

Le trouvère Cuvelier nous conte une autre ruse très efficace pratiquée par le futur connétable de France, Du Guesclin, pour prendre le château de Fougeray (vers 1340) : il n’avait qu’une soixantaine de soldats et s’était promis d’assiéger le château aux mains des Anglais. Du Guesclin et deux de ses hommes se déguisent en bûcherons portant troncs et bûches et cachant leurs armes ; une fois sur le pont, ils lâchent le bois (ce qui empêche de relever le pont-levis) et crient « Guesclin ! » À ce mot, tous les compagnons arrivent pour les aider !

L’exemple le plus connu de ruse nous vient de l’Antiquité ! Lors de la guerre de Troie, Ulysse, par son intelligence surpasse en résultat l’intrépide Achille. Notre héros parvient à faire pénétrer un cheval géant rempli de soldats grecs dans la ville de Troie ; en attendant la nuit, ces soldats ouvrent eux aussi la porte à leurs alliés.

Une autre ruse, atroce, sera d’empoisonner l’eau des puits lorsque ceci est possible (avec des animaux morts…) ce qui est assez radical, mais terriblement efficace !

 

La reddition et l’abandon du siège

Il y eut de nombreux sièges au Moyen Age, mais il faut garder à l’esprit qu’une grande majorité de places se sont livré sans siège véritable : reddition après quelques affrontements symboliques, ou juste après des négociations.
Lorsque les défenseurs étaient assez nombreux, bien approvisionnés en eau et nourriture, l’assaillant préférait parfois quitter le siège, celui-ci ayant souvent plus de difficultés à se ravitailler. De même, certains sièges se soldèrent par l’abandon des assaillants à la saison pluvieuse ou dès que les soldats n’étaient plus obligés d’aider leur seigneur (après 40 jours habituellement).

À l’opposé, dès qu’un assaillant s’était emparé d’une enceinte, les combats devenaient souvent plus difficiles de même pour l’approvisionnement de la place forte. Beaucoup de défenseurs ont donc capitulé après la prise de l’enceinte principale, même si la plupart des places fortes sont étudiées pour une « défense échelonnée » c’est-à-dire pour permettre de se retrancher dans des enceintes successives. Les récits nous prouvent qu’il était rare de se replier et encore plus souvent d’utiliser la tour maîtresse comme dernier refuge, mais cette possibilité était pensée dans l’architecture. La raison d’une reddition est aussi psychologique : plus la résistance était longue, plus la garnison risquée de passait par le fil de l’épée.

 

La guerre psychologique

Si la guerre psychologique n’a jamais livré une place forte à elle seule, elle a pu largement contribuer à la reddition des défenseurs.

La première solution sera de déstabiliser les défenseurs par des technologies inconnues ou encore par des actes terribles et cruels :
• Les premières bouches à feu, par exemple, produisaient un bruit effrayant pour les personnes qui ne connaissaient pas cette technologie (surtout dans un monde médiéval bien moins bruyant que le nôtre).
• Les produits incendiaires (feu grégeois), brûlants même sur l’eau, lancés par les Arabes sur les croisés.
• Devant Nicée en 1097, les croisés expédient les têtes de leurs prisonniers dans la ville en utilisant les machines de guerre ; la ville se rendit au bout de sept semaines. Parfois, il s’agissait des corps des prisonniers ou de tonneaux d’excréments. Ceci marque aussi les prémices des guerres bactériologiques, car les corps en décomposition pouvaient rependre des maladies.
• Le 21 juillet 1209, les hommes de Simon de Montfort massacrent la population de Béziers pour avoir osé leur résister. À la suite de ce carnage, de nombreuses places se rendront sans combattre lors de la croisade contre les Albigeois.

Au-delà de la déstabilisation psychologique, de nombreux sièges se sont terminés face à des manifestations de forces de l’assaillant :
• Certaines forteresses se sont rendues face aux travaux de sape ou de mine terminés ou même face à un seul grand trébuchet n’ayant pas encore tiré ! Lorsque la brèche dans la muraille est inévitable, et que les défenseurs sont en nombre insuffisant, la capitulation était souvent la meilleure solution. Par exemple, en 1285, le sultan Qalaoun, au château de Margat, décida de faire constater l’état d’avancement des travaux des sapeurs à un groupe d’assiégés venus parlementer. Le lendemain, la place capitulait après cinq semaines de siège…
• Aussi, l’importance numérique d’une armée ou encore l’ampleur des constructions réalisées pour le siège (muraille ou forteresse en bois…) peuvent faire hésiter des soldats mal payés ou soucieux de préserver leur vie : un château, aussi puissant qu’il pût être, ne pouvait rivaliser contre une grande armée si la garnison était démoralisée ou en large infériorité numérique.
À l’opposé, nous pouvons imaginer que la taille des fortifications, l’importance des tours, les archères en surnombre pouvaient aussi donner l’impression que certaines forteresses étaient totalement imprenables, et donc de cette manière se préservaient d’être assiégée.

 

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Texte : Fabien Houssin

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