L’écorçage peut paraitre anodin. En effet, qui, étant enfant, n’a pas tenté d’écorcer un morceau de bois. La technique n’est pas très compliquée, bien qu’il soit important de ne pas entamer l’aubier (première couche de bois).
Malgré tout, la manière et le moment d’enlever l’écorce ont une influence indéniable sur l’esthétique du futur arc. De ce point de vue, il pourrait s’agir de l’étape la plus importante de la facture d’arc.

Il peut être utile de lire ces articles afin de différencier les différentes couches de bois : l’écorce, l’aubier, le duramen

 

BESOIN D’ÉCORCER ?

Il s’agit d’une étape qui n’est pas absolument nécessaire, il est possible de réaliser un arc en conservant son écorce (préférer cela pour les écorces fines et lisses – jeune frêne, noisetier). Les avantages sont alors le gain de temps, l’esthétique parfois, la protection contre les intempéries (selon le type d’écorce) et l’assurance que les cernes seront parfaitement respectés sur le dos de l’arc. Toutefois, cela alourdit l’arc sans en améliorer sa puissance. De plus, en tirant, des morceaux d’écorces pourront se détacher.

Longbow en noisetier pour enfant

3519363703
Sur certains dessins du Moyen Âge, on observe des « dents-de-scie » sur le dos de l’arc en if. Cela pourrait donc confirmer que l’écorce n’était pas toujours retirée (gain du temps ?), à moins que cela ne représente que les ondulations de la branche de base.

 

 

 

À QUEL MOMENT ?

En retirant l’écorce, le bois séchera plus rapidement, car l’humidité s’échappe plus aisément (selon le degré d’imperméabilité de l’écorce, l’humidité est peu ou fortement stoppée par l’écorce).
C’est pourquoi nous conseillons de retirer l’écorce avant séchage, toutefois, la retirer après peut avoir quelques avantages :
– Le bois n’étant pas directement en contact avec l’atmosphère extérieur, les risques de microfissures en surface sont plus limités (fissures dues à un séchage superficiel trop rapide – différence de chaleur subite ou vent violent).
– Laisser sécher le bois avec son écorce peut influencer l’esthétique finale du dos de l’arc (si on ne recoupe pas les cernes superficiels et qu’on ne travaille pas l’arc à l’envers ou de biais).

 

LES POSSIBILITÉS ESTHÉTIQUES

Selon les types de bois, nous avons expérimenté plusieurs solutions esthétiques sur le dos des arcs. Cela implique toutefois de ne pas poncer excessivement l’arc une fois terminé.

– En laissant l’écorce, nous avons pu constater qu’après 2-3 ans de séchage à l’extérieur, des insectes xylophages commencent à réaliser des galeries à la surface de certains bois, sous l’écorce (le frêne par exemple). Une fois celle-ci retirée avec précaution, des dessins aléatoires restent visibles sur le dos de l’arc (plutôt jolis). Si vous avez les mêmes insectes que nous (genre de scolytes), ils ne s’attaqueront pas en profondeur. Sinon, vous aurez un arc piqué des vers ou juste un arc cassé ! À vous de risquer… ou pas !

longbow insectsFlatbow en frêne 50#@28″

– En laissant sécher le bois avec son écorce, la coloration superficielle de l’aubier est parfois modifiée et laisse alors apparaitre des dégagés de couleurs brunes et noires sur le dos de l’arc (c’est le cas pour l’if lorsque l’écorce se retire manuellement).
Des colorations similaires, mais plus atténuées, peuvent également apparaitre en laissant sécher le bois sans écorce, mais en conservant la fine couche humide située entre l’aubier et l’écorce.

longbow if couleurLongbow en if 50#@28″
Longbow érableLongbow en érable 70#@28″

– Lorsque l’écorce n’est pas retirée durant le séchage (ou retirée partiellement), les couches inférieures peuvent se coller à l’aubier et sécher en prenant une couleur plus sombre que le bois.
Il est parfois difficile de retirer correctement ces différentes couches sans toucher à l’aubier. C’est donc l’occasion de laisser des nuances de couleurs sur le dos de votre futur arc. Selon l’essence et selon que l’on retire plus ou moins ces couches plus sombres, le résultat sera très différent et laisse toutes les possibilités esthétiques au facteur d’arc, à moins que la beauté du bois blanc soit préférée.

flatbow noisetierFlatbow en noisetier 40#@28″
longbow cornouillerLongbow en cornouiler 35#@28″
longbow freneLongbow en frêne 40#@28″
flatbow freneFlatbow en frêne 35#@28″

Qu’une manière générale, quelle que soit l’option prise par le facteur d’arc (laisser sécher avec ou sans l’écorce), il est utile de réaliser l’écorçage de l’entièreté du futur arc en même temps afin que les colorations soient le plus uniformes possible… À moins que vous recherchiez justement un résultat non uniforme d’une branche à l’autre ou juste à leur extrémité!
De même, le séchage de l’écorce peut prendre 6 à 12 mois (à l’extérieur); retirer l’écorce durant ce temps peut laisser des zones où l’écorce a séché plus rapidement et où les colorations sont différentes.

 

L’ÉPLUCHAGE

Pour retirer l’écorce, il est parfois possible d’éplucher le tronc (comme une banane) lorsque le bois vient d’être coupé et qu’il est rempli d’eau en surface.
Il nous semble d’ailleurs que ce n’est possible que si vous coupez le bois au printemps ou en début d’été (cela se confirme dans la pratique en tout cas).

Après séchage, il est parfois encore possible de retirer l’écorce par blocs pour certains bois (l’if par exemple). Toutefois, ce n’est pas toujours le cas d’un tronc à l’autre.

 

 

 

 

 

 

 

 

Lorsque l’épluchage est réalisé avant le séchage, le dos de l’arc peut alors conserver les nervures du bois à la surface de l’aubier, cela peut donner de jolis dessins également.

longbow noisetierLongbow en noisetier 55#@28″
Flatbow freneFlatbow en frêne 35#@28″

 

L’ÉCORÇAGE À LA PLANE

EcorcageSouvent, l’épluchage a ces limites, il faut alors utiliser pour la première fois votre plane (un couteau peut convenir aussi). Rien de compliqué, mais il faut faire attention de retirer uniquement l’écorce et les couches légères du bois (cambium, liber…) jusqu’à l’aubier, mais sans l’entailler, car cela pourrait fragiliser l’arc. Cette opération est souvent plus simple lorsque le bois est encore vert, car l’écorce est plus simple à couper que l’aubier.

 

LAISSER L’AUBIER OU PAS ?

Sous l’écorce se situe l’aubier (bois plus récent). Il s’agit d’un matériau résistant dont les caractéristiques physiques sont proches du duramen (bois ancien). L’aubier est toutefois légèrement plus élastique, plus léger et moins dur que le duramen.

Visuellement, il ne se différencie pas ou peu du duramen pour les bois blancs (aubier légèrement plus blanc), mais est souvent clairement visible pour les bois dont le duramen est coloré (rouge comme l’if, le prunier et certains bois exotiques… ou jaune/brun comme le robinier). L’aubier reste généralement blanc même si le bois est coloré.
Beaucoup de facteurs d’arc semblent ne pas faire de traitement particulier à l’aubier lorsqu’il est d’une couleur identique au duramen, mais le retirent (partiellement ou entièrement) lorsqu’il se différentie.

Nous ne voyons pas particulièrement d’intérêt de retirer des cernes d’aubier, en effet, son élasticité est plutôt bénéfique au dos de l’arc (travail en traction). Retirer des cernes d’aubier fait perdre du temps (1 heure au moins) et augmente les risques de casse de l’arc si les fibres ne sont pas correctement respectées. Comme nous l’avons déjà vu, des arcs peuvent être réalisés avec tous les bois… donc également avec de l’aubier et/ou du duramen.
Nous avons d’ailleurs déjà réalisé des arcs en aubier de robinier uniquement (jeune pousse) alors que beaucoup considèrent qu’il faut l’enlever pour cette essence.

Longbow en aubier de robinier 45#@28″

Si vous voulez conserver les couleurs dues au séchage de l’écorce, il est bien évident qu’il ne faudra pas retirer l’aubier. Toutefois, beaucoup de facteurs d’arc retirent les 2-3 premiers cernes du dos de l’arc (ou plus) sans toujours donner de raisons.
À notre sens, il existe différents cas où l’aubier doit être enlevé partiellement ou entièrement, pour le reste, il sera alors préférable de ne pas y toucher :

– Lorsque le bois a séché à l’extérieur et sans être protégé des intempéries, il est alors possible que le contact permanent avec l’humidité dégrade la qualité structurelle du bois. Les premiers cernes sont alors peu résistants (risque de casse). Cela se reconnait parfois par des taches sur l’aubier (parfois bleutées ou noires) qui se développent en profondeur. Dans ce cas, il est nécessaire de retirer les cernes jusqu’à faire disparaitre ces taches dans le bois.

Tache ifTaches sur l’aubier d’if

– Lorsque l’aubier a été attaqué par des insectes, il faut alors retirer les cernes concernés (bien souvent tout l’aubier est attaqué, car c’est un bois moins résistant et les insectes s’arrêtent au duramen).

– Lorsque la continuité des fibres au dos de l’arc n’est pas assurée. Il peut s’agir d’un coup de scie ou de tronçonneuse non maitrisé, un coup profond lorsque l’arbre s’est écroulé, une mauvaise manipulation de votre plane lors de l’écorçage …
Les fibres doivent être continues, sans coupures nettes. Si ce n’est pas le cas, il est donc nécessaire de retirer une partie de l’aubier. Si les coupures sont arrondies (comme les traces d’insectes laissées à la surface), la résistance n’est que légèrement réduite, par prudence un cerne peut donc être retiré.

– Lorsque l’arbre pousse rapidement, l’aubier peut être très épais et faire plusieurs centimètres d’épaisseur. Dans ce cas, il ne persistera que de l’aubier aux extrémités des branches du futur arc. L’aubier étant un matériau résistant, cela n’a donc pas d’influence sur la qualité de l’arc, mais pour une raison esthétique (lorsqu’une différence de couleur est visible comme l’if), certains facteurs d’arcs préfèrent réduire l’épaisseur finale à 7-8mm d’épaisseur afin de voir le duramen jusqu’aux cornettes. Toutefois, si le morceau de bois n’est pas très gros, cela réduira la puissance finale de l’arc.

longbow ifLongbow en if 50#@28″ (il ne reste plus que l’aubier au niveau de la cornette)

– Certains bois, comme le robinier, ont un aubier dont la consistance est assez différente du duramen. Il est d’ailleurs parfois difficile de suivre les cernes avec une plane. Dans ce cas, il faut soit laisser l’aubier sans y toucher (s’il n’est pas trop gros) soit l’élever entièrement.

– L’aubier étant un bois plus léger, le retirer permet de n’utiliser que du duramen, plus lourd. L’arc sera donc un peu moins gros pour une puissance donnée. Retirer l’aubier permet donc de réduire la grosseur des arcs puissants, de les avoir mieux en main et de limiter le paradoxe de l’archer.

Si vous décidez de retirer quelques cernes sur le dos ou tout l’aubier, alors ce sera possible de le faire avant ou après le séchage. Toutefois, en le faisant avant, le bois séchera un peu plus rapidement.

 

SUIV RETOUR

 

Texte & photos : Fabien Houssin

CC BY-NC-SA 4.0